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La révolte intime : Colette

Séminaire doctoral de Julia Kristeva

Idéalisation, génitalité, néo-réalité

Colette

 

La complicité entre perversion et sublimation ne constitue pas la moindre complexité, ni le moindre mystère, de cette vision psychanalytique de notre psycho-sexualité. Loin d’être due à la seule force des pulsions ou à des agents externes (séduction, abus), la perversion dans sa logique propre idéalise d’emblée la pulsion ; ce qui revient à dire que la perversion serait, à sa source même, une construction mentale complexe mobilisant une forte « participation psychique » : « C’est peut-être précisément dans les cas de perversions les plus abominables qu’il faut admettre que la participation psychique à la transformation de la pulsion sexuelle est la plus large [...] il est impossible de lui dénier la valeur d’une idéalisation de la pulsion. [1]  ». Les perversions seraient-elles une création, une œuvre d’art avant la lettre ? Freud avance deux hypothèses pour expliquer ce nouage précoce entre pulsion et idéalisation dans la perversion, et qui nous intéressent au regard des œuvres de sublimation qui s’élaborent en contact avec la perversion : elles concernent le rôle de la période de latence et celui du Surmoi.

Nos capacités de sublimation se développent tout particulièrement pendant la période de latence qui s’étend, après l’acmé de l’Œdipe, de l’âge de cinq ans jusqu’à la pré-adolescence. Les acquis de la sexualité infantile sont alors refoulés, et la sexualité génitale n’est pas encore prête, de telle sorte qu’on peut envisager la latence comme une période de « plaisirs préparatoires ». Ceux-ci impliquent les zones érogènes et des pulsions partielles qui n’aboutissent pas à leur réalisation génitale et, de ce fait, provoquent des états de déplaisir et d’angoisse, mais aussi et parallèlement des contre-forces psychiques qui transforment les pulsions en rêverie, hallucination, idéalisation, sublimation. « On peut aussi risquer une hypothèse sur le mécanisme d’une telle sublimation. Les motions sexuelles de ces années d’enfance seraient, d’une part, inutilisables, dans la mesure où les fonctions de reproduction sont ajournées [...], d’autre part, elles seraient perverses en soi, c’est-à-dire issues de zones érogènes et portées par des pulsions qui [...] ne pourraient susciter que des sensations de déplaisir. Elles éveillent aussi des contre-forces psychiques (motions réactionnelles) [2] . »

Cette remarque de Freud qui lie le destin de la sublimation à celui de la latence et, de ce fait, à la satisfaction partielle caractéristique des perversions, laisse entendre que, lorsque l’adulte tente de s’évader de la sexualité génitale, il rencontrera immanquablement le temps de la latence avec ses plaisirs partiels, leurs tensions et leur compensation par la sublimation. Toutefois, par-delà la latence, la sublimation-idéalisation plonge ses racines aux origines mêmes du développement psychique. Il existe une « créativité primitive », une « sublimation primitive » en rapport avec le Moi idéal chez le tout petit enfant, qui construit déjà une sorte de « fétiche » prélevé sur son désir osmotique pour la mère et sur le désir de la mère elle-même : c’est l’« objet transitionnel » de D. Winnicott. Linge ou jouet qui représente déjà une aire d’illusion entre l’enfant et ses désirs, l’« objet transitionnel » protège le sujet de l’angoisse de séparation. A partir de cette aurore de la sublimation, la période de latence élabore un processus complémentaire, celui d’une « sur-sublimation » aboutissant à l’Idéal du Moi (et non plus à un Moi idéal) et ouvrant la voie aux véritables activités culturelles [3] . Ces différents degrés de la sublimation sont autant de « stations » qui requièrent l’attention consciente des artistes dans leur recherche du temps perdu, temps idéal de la satisfaction paradisiaque : nous les retrouvons dans les thèmes de leurs œuvres, de Colette à Proust, pour ne parler que des plus célèbres.

Processus complexe et toujours énigmatique, la sublimation opère une désexualisation et une désintrication des pulsions. La désexualisation signifie que, dans le cours de la sublimation, la pulsion change de but et d’objet : au lieu de viser la satisfaction des zones érogènes, l’activité du sujet lui procure des plaisirs idéaux, des satisfactions attachées par exemple à la beauté idéale des êtres, des choses ainsi qu’aux propres productions de l’auteur faites de mots, de couleurs, de sons, et qui deviennent des représentants de son narcissisme et de son Moi idéal. Cette déviation du but génital et, plus généralement, du but sexuel de la pulsion vers une idéalisation désexualisée, est-elle une sorte de perversion [4]  ? Faisons plutôt l’hypothèse que, dans la dynamique sublimatoire, à la place de la sexualisation, s’installe non pas son refoulement, mais une érotisation déplacée : c’est dire qu’il n’y a pas de décharge sexuelle, mais l’excitation est néanmoins maintenue, notamment par le moyen de la beauté idéale des êtres, objets, productions. Un vécu de toute-puissance accompagne souvent une telle expérience : un moi omnipotent, maniaque, construit un univers qu’il faut bien dire imaginaire, fait de plaisirs qui ne sont entretenus que par des représentations. Mieux, il s’agit de ses propres représentations, celles créées par le sujet-auteur, qui ne dépendent d’aucun « objet » ou « autre » extérieur au moi ; et, pour cela même, le créateur imaginaire les ressent comme plus puissantes que tout autre plaisir, comme susceptibles de ne jamais lui manquer, voire d’être impérissables. Rien ne manque à cette omnipotence imaginaire : une telle sublimation célèbre la fixation du sujet à son omnipotence infantile. En conséquence, un certain sujet se construit qui ne manque en effet de rien, si ce n’est qu’il manque d’un manque...

Quant à la désintrication pulsionnelle interne à la sublimation, elle signifie qu’en se détournant du dehors (de l’objet, de l’autre) pour se replier sur le dedans (le moi, le narcissisme, ses propres représentations), le tressage habituel qui rassemble la pulsion de vie et la pulsion de mort se défait. Dans l’activité sublimatoire, la pulsion érotique, ou de vie ne vise plus un objet sexuel de satisfaction, mais un médium qui est soit un pôle d’idéalisation amoureuse (la beauté d’un autre ou de soi), soit une production verbale, musicale ou picturale, elle-même hautement idéalisée. Quant à la pulsion thanatique, ou de mort, qui s’en trouve ainsi libérée, elle a le choix : soit de se diriger seule vers le dehors (objet, autre) et de l’attaquer avec un maximum de violence, de destructivité, de cruauté ; soit de s’infléchir vers le Moi sous l’aspect d’une dépréciation, d’une sévérité critique, d’une dépressivité, voire d’une mélancolie suicidaire. Du fait de cette désintrication pulsionnelle, l’apparente sérénité narcissique de l’aventure sublimatoire expose, en réalité, le sujet qui s’y engage aux risques d’une catastrophe psychique dont seule peut le sauver la continuation de la créativité sublimatoire elle-même. Cette dernière ne comportant pas moins, à son tour, ses propres risques d’exaltation maniaque et de déni de la réalité, en doublure de ses propres délices de jouissance extrême et contagieuse [5] .

Concernant le Surmoi, un changement s’opère dans la pensée de Freud relatif à son rôle dans la recherche du plaisir et, au-delà, dans la perversion. Tandis qu’initialement Freud conçoit le principe de plaisir en négatif, comme un évitement du déplaisir, à partir du Moi et le Ça (1923) il pose le plaisir comme un principe positif qui s’obtient sous l’injonction du Surmoi. Le Moi représente le monde extérieur et le principe de réalité, et s’oppose au plaisir qui règne sans restriction dans le Ça. « Le Surmoi se pose face à lui comme avocat du monde intérieur, du Ça [6] . » Nous voilà confrontés à une nouvelle fonction du Surmoi : loin d’être un inhibiteur du plaisir comme il le fut selon les observations initiales de Freud, le Surmoi, qui a des relations intimes avec le Ça, n’est pas seulement une instance défensive, mais pousse à la jouissance, il est un « pousse-à-jouir » (dira Lacan). On comprend, dans la même perspective, que si le Surmoi est représenté par le père, la perversion comme transgression des interdits n’est pas seulement un défi lancé au père, mais aussi un accomplissement de son injonction : « Le Surmoi dit : “Jouis” ! », et la perversion est une... « version » du père, une soumission du fils au désir du père, une père-version. Lacan invite à penser l’instance divine, du moins dans le monothéisme, et la « rédemption » christique elle-même comme une soumission sadomasochiste au père, une père-version, tout en suggérant que le terme surchargé de « perversion » devrait être abandonné par la psychanalyse : « Dieu est père-vers, c’est un fait rendu patent pour le juif lui-même. Mais on finira bien par remonter ce courant, on finira bien par inventer quelque chose de moins stéréotypé que la perversion. C’est même la seule raison pour quoi je m’intéresse à la psychanalyse [7] . » Et encore : « L’imagination d’être le rédempteur, dans notre tradition au moins, est le prototype de, ce n’est pas pour rien que je l’écris “la père-version”, c’est dans la mesure où il y a rapport de fils à père, et ceci depuis très longtemps qu’a surgi cette idée loufoque du rédempteur. Freud a quand même essayé de se dépêtrer de ça, de ce sadomasochisme, seul point dans lequel il y a un rapport supposé entre le sadisme et le masochisme : le sadisme est pour le père, le masochisme est pour le fils [8] ... »

Père-version ? Ou mère-version ? Les deux, de toute évidence, selon les modalités diverses que prennent la difficile, l’impossible indépendance des « néotènes » que nous sommes, vis-à-vis de nos deux géniteurs, et notre problématique liberté à l’endroit de l’indispensable Loi symbolique qui fait de nous des sujets parlants.

Une autre expérience du plaisir se profile à la suite de ces approfondissements de la psychanalyse menés par Freud, et qui est définie comme une jouissance (Freud utilise le terme de Genuss plutôt que celui de Lust). Elle désigne l’état de satisfaction sexuelle qui serait analogue à la mort, car l’expulsion des substances sexuelles correspond à la séparation du soma et du plasma primitif : après la satisfaction, « Éros est mis hors circuit » et la « pulsion de mort a les mains libres pour imposer ses visées [9]  ». La jouissance apparaît comme une expérience de satisfaction an-objectale, proche du narcissisme primaire selon Freud. On peut en suivre les traces dans l’aventure artistique, comme dans celle du mystique, dans la toxicomanie, ou... chez la femme. « Il faut, chez la femme aussi, faire l’hypothèse d’une excitation sexuelle somatique et d’un état dans lequel cette excitation devient stimulus psychique, libido, et provoque la poussée vers l’action spécifique à laquelle se rattache le sentiment de volupté. Seulement chez la femme, on n’est pas en état d’indiquer ce qui serait à peu près analogue à la détente des vésicules séminales [10] . » Lacan amplifie et diversifie cette avancée freudienne, en insistant sur la différence entre plaisir et jouissance. Dans celle-ci, il distingue ensuite la « jouissance phallique » propre à l’homme (tout autant qu’à la femme pour autant que, dans son fantasme et clitoridiennement, une femme s’identifie à l’homme), et une « jouissance autre [11]  » C’est dire que la jouissance divise la femme car, par la jouissance phallique, la femme communique avec l’homme, tandis que par une « autre jouissance » que la femme éprouve mais ne sait ni nommer ni connaître, elle se met en rapport non plus avec le Phallus mais avec l’Autre. Seule avec cette jouissance autre qui demeure fondamentalement inconnue à elle-même, la femme est vouée à une duplicité structurelle [12] .

On rapprochera ces observations psychanalytiques de l’univers dédoublé de Colette : le côté « Sido » et sa jouissance autre, où c’est l’objet (la mère, le jardin, les « points cardinaux ») imaginé par le Moi qui absorbe tous les investissements offerts au monde extérieur ; le côté Léa ou la Dame en blanc, avec leur plaisir ou jouissance phalliques... Colette réussit cependant à nommer cette jouissance autre qu’une femme, lorsqu’elle y atteint, ne parvient qu’à éprouver sans savoir la dire : ne serait-ce pas cela, son génie ultime [13]  ?

 

 

Si nos plaisirs sont donc fondamentalement pervers, si nos jouissances en dépendent et si tous ont partie liée avec nos capacités de représentation, nous comprenons que la perversion qui nous attire dans les œuvres d’art est celle qui s’adresse à des logiques universelles qui nous habitent tous. Une angoisse de séparation préside à notre développement en tant qu’individus supposés libres et autonomes, l’angoisse d’une « désidentification primaire » avec le contenant maternel. Le pervers est fixé sur cette angoisse de séparation telle que la lui signifie le père : l’interdit paternel ne menace pas nécessairement de priver le fils de son organe ; plus structurellement, il représente à l’enfant son incapacité à combler génitalement la mère. Le sujet pervers sera celui qui dénie cet interdit paternel ou œdipien, et qui en fait un déni de la génitalité. La génitalité ne m’intéresse pas (tel serait le discours implicite du pervers), elle n’existe pas, tant d’autres plaisirs, voire des jouissances plus ou moins sublimatoires, sont à ma portée. Des jouissances données par qui ? Par la mère qui maintient l’enfant dans le rôle de l’époux, objet privilégié de ses désirs à elle, mon Joyau tout en or, Minet-Chéri ? L’enfant ne manque pas de tirer un immense bénéfice de cette situation de déni : ne lui épargne-t-elle pas la blessure narcissique qui résulte du fossé séparant l’enfant de la génération de ses parents ?

Le pervers dénie la différence des générations du même mouvement par lequel il dénie l’interdit de l’inceste et la castration de la mère : il comble le fossé des générations, il efface le sentiment de déréliction que ce fossé inflige [14] . « Le futur pervers n’a pas souffert d’une carence narcissique mais d’un trop-plein d’investissement narcissique dont l’effondrement soudain lui est insupportable [15] . » Pour combattre cet insupportable de la désidentification, le pervers se mobilise dans une quête effrénée, souvent épuisante, de satisfactions paroxystiques. Dans ce contexte, la satisfaction orale — au fondement de maintes toxicomanies — peut être vécue comme l’équivalent d’une satisfaction alimentaire intra-utérine et originelle : l’oralité est déjà développée in utero avant toute autre activité (à quinze semaines, le fœtus suce son doigt, à seize semaines il joint les mains et explore l’utérus [16] ).

Chaque acte pervers pourra être interprété, dès lors, non seulement comme une attaque contre le couple procréateur et comme un désir de retrouver la couplaison originelle mère/enfant, mais comme un effort de dominer l’univers génital et son monde par la création d’un autre monde. Au chaos « impur » (pour reprendre le titre de Colette : Le Pur et l’Impur) de la sexualité génitale et de toute sexualité qui la comprend, il s’agira d’opposer une néo-réalité : « mon » univers secret, « mon » intimité cachée, « mon œuvre » forcément dissidente qui viole l’ordre du monde et ce que je perçois comme ses insoutenables excès, pour lui substituer une sérénité paradisiaque. Vengeance contre la mère et le père réunis, pareille créativité dans sa poussée mégalomaniaque et narcissique contient plus ou moins inconsciemment une haine contre la réalité [17] . Et, si elle a partie liée avec le mal, c’est qu’elle est impulsée par l’hybris de la destruction visant le monde des parents. Créativité (infantile) contre créativité (parentale), il s’agira d’investir l’oralité et l’analité (de l’enfant) plus que la génitalité (des parents) : l’analité « idéalisée » et « sublimée » en « paradis parfumés », en senteurs exquises, occupe une place centrale dans la reconstruction de la nouvelle « maison de Claudine », nous l’avons vu, comme dans beaucoup d’autres œuvres sublimatoires. Elle s’avère essentielle dans toutes les « productions » d’« objets » esthétiques qui embellissent ces premières productions de nos corps que sont les excréments.

Dans ce contexte, les réactions perverses peuvent se comprendre comme une réaction maniaque à une dépression déniée : plutôt que d’accepter la perte de l’objet et de s’engager dans une élaboration du deuil, le sujet s’approprie dans des fantasmes et dans des passages à l’acte pervers des substituts de satisfaction, des « ersatz », qu’il surinvestit. Beaucoup de dépressions, comme certains deuils, s’accompagnent d’abréactions orgiaques à caractère pervers ; tandis que, a contrario, la clinique des perversions découvre en arrière-plan une douloureuse mélancolie, souvent impossible à élaborer [18] .

En fixant le sujet pervers dans une organisation définitive et réduite (telle figure incestueuse, ou fétichiste, etc.), la perversion stable assume aussi le rôle d’une protection contre la destructivité sous-jacente et ses possibles passages à l’acte : la destruction du pervers est de fait nouée à une certaine sexualité qui le comble et, fût-elle excessive, voire épuisante, qui lui sert de butée et empêche le déferlement infini de la haine. De façon analogue, la création d’objets esthétiques préserve celui qui s’y engage de la désintrication pulsionnelle propre au processus psychique de la sublimation. Lorsque ces objets sont appréciés et bénéficient de l’approbation de l’opinion, l’activité esthétique métabolise la destructivité en travail de création, qui, assidu et scrupuleux, peut se transformer en véritable sacerdoce. La persévérance dans la création, le « han ! » de l’effort, dit Colette [19] , sa célèbre « règle qui guérit de tout », imposent une discipline féroce à l’existence quotidienne. Mais ils sont lourds de plaisir supplémentaires parce qu’ils s’offrent comme un cran d’arrêt contre la destructivité de la pulsion de mort qui vient s’y épuiser comme une vague contre la jetée...

La crudité de ce vocabulaire psychanalytique relatif aux implications pulsionnelles de la perversion ne devrait pas nous abuser : il ne s’agit pas de dévaloriser l’œuvre d’art en la renvoyant à la pathologie, mais de signaler les ressorts dramatiques et non moins universaux que l’artiste de génie utilise pour les magnifier, et sur lesquels son œuvre repose. Ceux qui, à défaut de génie, reçoivent les œuvres plutôt que de les produire, s’en trouvent atteints dans leurs propres profondeurs inavouables où vibrent des ressorts analogues. L’hypothèse psychanalytique ne dévoile pas, en revanche, la technique singulière à chaque artiste qui, construite sur ses logiques inconscientes, les transforme en chef-d’œuvres : d’autres investigations, spécifiquement littéraires, stylistiques et sémiologiques, détaillent les arcanes de ces procédés spécifiques. Nous avons essayé d’en approcher quelques-uns en lisant de près Les Vrilles de la vigne [20] . Mais la vision radiographique de la psychanalyse a enrichi notre connaissance de l’âme, cet « appareil psychique » selon Freud, patiemment visitée dans ses abîmes et ses sommets, et nous permet de lire autrement les réussites formelles des grands artistes, de même que les joies et les colères qu’elles nous procurent. Cette archéologie psychanalytique risque de bousculer, d’ébrécher même le monument Colette que les amateurs de belles-lettres et de plaisirs bien français se sont plu à bâtir d’elle, et avec sa complicité. Mais peut-être aussi nous offre-t-elle le bénéfice de percevoir plus à fond les mouvements qui la traversent, qui lui assurent une perpétuelle renaissance, et qui nous émeuvent à notre tour.

 



[1] Cf. S. Freud, Trois essais.., op. cit., p. 72 ; nous soulignons.

[2] Cf. S. Freud, Trois essais.., op. cit., p. 100-101 ; nous soulignons.

[3] Cf. André Green, « L'idéal : mesure et démesure » (1983), in La Folie privée, Psychanalyse des cas limites, Gallimard, 1990, p. 255-292.

[4] Cf. M. Gitnacht, « Perversion, sublimation et répétition transférentielle », in Revue française de psychanalyse, 1992, vol. 62, p. 1802.

[5] Cf. à propos de la sublimation dans son rapport au narcissisme et la désintrication des pulsions, S. Freud, « Le Moi et le Ça » (1923) in Essais de psychanalyse, Payot, 1981, p. 199 et 218 : « La transposition de la libido d'objet en libido narcissique […] implique évidemment le renoncement aux buts purement sexuels, une désexualisation, donc une sorte de sublimation. […] En s'appropriant ainsi la libido attachée aux objets vers lesquels le Ça est poussé par les tendances érotiques, en se posant comme le seul objet d'attachement amoureux, en désexualisant ou en sublimant la libido du Ça, le Moi travaille à l'encontre des intentions d'Éros, se met au service de tendances instinctives opposés. »

[6] Cf. S. Freud, « Le Moi et le Ça » (1922), in Essais de psychanalyse, Payot, 1981, p. 237.

[7] Cf. Le Séminaire RSI, séance du 8 avril 1975, Ornicar n° 5, « Le Séminaire de Jacques Lacan », texte établi par J.-A. Miller, RSI, année 1975-1976. 

[8] Cf. Ornicar n° 8, « Le Séminaire de J. Lacan, Le Sinthome », texte établi par J.-A. Miller, 1975-1976.

[9] Cf. S. Freud, « Le Moi et le Ça », op. cit., p. 261.

[10] S. Freud, « Du bien-fondé à séparer de la neurasthénie un complexe de symptômes déterminé, en tant que névrose d'angoisse », in Œuvres complètes, vol. III, PUF, 1989, p. 51.

[11] « Il y a une jouissance... au-delà du phallus […]. Il y a une jouissance à elle dont peut-être elle-même ne sait rien, sinon qu'elle l'éprouve — ça, elle le sait. Elle le sait, bien sûr, quand ça arrive. Ce ne leur arrive pas à toutes. », J. Lacan, Le Séminaire, Livre XX, « Encore », de 1972-1973, Ed. du Seuil, p. 69. Puis ce développement qui intéressera les amateurs d'une Colette mystique : « Et pourquoi ne pas interpréter une face de l'Autre, la face Dieu, comme supportée par la jouissance féminine ?», ibid., p. 71. « L'Autre n'est pas simplement ce lieu où la vérité balbutie. Il mérite de représenter ce à quoi la femme a foncièrement rapport », ibid., p. 75.

[12] Cf. J. Lacan, « L'Étourdit », in Scilicet, n° 4, Seuil, Paris, 1923, p. 23 : la jouissance que l'homme a de la femme « la divise , lui faisant de sa solitude partenaire, tandis que l'union reste au seuil ». Et Catherine Millot, « Les deux sources », in La Vocation de l'écrivain, Gallimard, coll. L'Infini, 1991, p. 81.

[13] Cf. chap. 3.3. « Métaphores ? Non, métamorphoses », p. 137 ; et chap. 3.6. « Solitude de la musique et du crime », p.157.

[14] Cf. J. Chasseguet, « Introduction à la discussion du rapport de Massimo Tomasini », in Revue française de psychanalyse, 1992, vol. 56, p. 1618.

[15] Ibid., p. 1620.

[16] Cf. Massimo Tomasini, « Désidentification primaire, angoisse de séparation et formation de structure perverse », in Revue française de psychanalyse, 1992, vol. 56, p. 1559.

[17] Cf. J. Chasseguet, art. cit., p. 1622-1663.

[18] Cf. Joyce McDougall, « De la douleur psychique et du psychosoma », ou Plaidoyer pour une certaine anormalité, Gallimard, 1978, p. 184-203 ; « Identifications, Neoneeds and Neosexualities », in International Journal of Psychoanalysis, 1986, 67, p. 19-31 ; « Déviation sexuelle et survie psychique », chap. 12, in Éros aux mille visages, Gallimard, 1996, p. 250-268.

[19] Colette, Mes Apprentissages, Pl., III, p. 1076.

[20] Cf. chap. 3, « Écrire Les Vrilles de la vigne », p. 104.

Voir aussi: J. Kristeva, Le génie féminin, t .3, Colette ou la chair du monde, Fayard,  2002

Le séminaire de Julia Kristeva La révolte intime: Colette.

 

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