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"La Deuxième Vie" de Philippe Sollers : un évènement littéraire - par Arnaud Viviant (France inter)

 

 

 

On pense à ce mot de Saint-Just : « Encore mort. Déjà vivant ». Il y aurait beaucoup à dire sur les dernières œuvres, conçues en tant que telles, par des artistes récemment. Je pense au cas exemplaire de David Bowie. Souvenez-vous : le 8 janvier 2016, on apprenait qu’un nouvel album de Bowie était disponible en ligne avec cette chanson Lazarus, Lazare, celui qui revient d’entre les morts. Deux jours plus tard, on apprenait sa mort. Si bien qu’on ne peut que sourire de joie, de béatitude, en découvrant le titre du dernier roman de Sollers : La Deuxième Vie.

« La pensée est un acte » écrit-il, et le livre est son instrument

Au passage, et puisque c’est d’actualité, Sollers a refusé l’euthanasie en Suisse. Il voulait vivre SA mort, raconte Julia Kristeva dans sa postface. Cette deuxième vie a beaucoup été écrite à l’hôpital. Sollers l’évoque un peu en parlant, je le cite, « des infirmières surexploitées jour et nuit ».

C’est un roman court, une cinquantaine de pages imprimées, mais je ne dirai pas inachevé. A cause de sa dernière phrase. Kristeva nous apprend que Sollers l’a écrite chez lui, cinquante-cinq jours avant de partir. Je vous la lis : « Si le néant est là, il est là, en train de voir le monde éclairé par un soleil noir. » On pense au « Mehr Licht » plus de lumière, qu’aurait dit Goethe avant de mourir. Sauf que certains prétendent qu’il n’aurait pas dit Mehr Licht mais Mehr Nicht ! Plus de néant ! Disons que la phrase de Sollers est entre les deux, et c’est pourquoi elle est belle. Sinon, c’est du Sollers tout craché, tout vivant, avec entre autres des vacheries sur Annie Ernaux, sur Michel Houellebecq, sur Michel Onfray, sur le grand remplacement des hommes par les femmes, le Blanc terminal, la société finale, sans même parler d’une défense de la corrida.

Cette deuxième vie, il est plus facile de la décrire de façon négative que positive

Je parlais de Lazare tout à l’heure, mais Sollers l’écrit nettement : la deuxième vie n’est pas une résurrection, ni même une postérité. Elle n’a rien à voir non plus avec les religions. Elle est plutôt contiguë à la première. En tout cas, ce n’est pas une lubie de vieillard sous morphine. Dans la postface qui suit ce court roman, sa femme, la philosophe et psychanalyste Julia Kristeva, prouve, citations à l’appui, que le thème de la deuxième vie est présent depuis longtemps dans l’œuvre de Sollers, depuis au moins, son chef-d’œuvre réputé illisible et qui ne l’est pas – du tout : Paradis.

 

En tant que lecteur et critique, la chose la plus simple que je puisse dire de ce texte de Julia Kristeva, c’est qu’il y a plus d’amour dans cette étude que dans tous les romans d’amour. De là à conclure que la Deuxième Vie c’est l’amour… de sa vie…

 

 

Arnaud Viviant

 

 

https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-edito-culture/l-edito-culture-du-mercredi-13-mars-2024-7686420

 

 

 

 

 

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