Le Parvis des Gentils

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Julia Kristeva

Oser l’humanisme

 

Julia Kristeva & cardinal Ravasi, Photo Sophie Zhang

 

 

 Éminence, Monsieur le Recteur de l’Académie, Mesdames et Messieurs, Chers Amis,

 Merci de cette initiative qui invite croyants et humanistes à se rencontrer, et merci beaucoup de m’y avoir conviée. Nous voici donc sur le Parvis des Gentils.

Qu’est-ce qu’un Parvis de Gentils ?

   Hérode élargit le site du Premier Temple de Salomon pour y aménager un lieu de sacrifice auquel peuvent accéder les pèlerins juifs et les païens : c'est-à-dire les Grecs et les autres peuples  « infidèles »,  « impurs », « hors de l’Alliance » avec Yahvé. Mais ce parvis est aussi un lieu où les infirmes quêtent et où les commerçants commercent, autant d'activités interdites à l'intérieur du Temple. Le christianisme va transformer cet espace de séparation [1] et la révolution de Paul de Tarse commence précisément par son adresse à ces mêmes Gentils, qu’il introduit dans le Temple; ce qui lui vaudra d’en être chassé [2] . Le même Paul n’avait-il pas entrevu d'ailleurs un « dieu inconnu » (Ignoto Deo)  annoncé sur le péristyle d’un temple grec, comme un appétit divin, voire un pressentiment du christianisme chez des « gentils » qui ne lui semblaient en somme pas si « impurs » ? De quoi justifier cette véritable abolition du parvis qu'il pratique, en les introduisant dans le « Saint des saints ». Schelling devait développer au XIXe siècle l’intuition paulinienne, lorsqu'il  voudra voir dans le polythéisme grec une partie intégrante de ce qu’il appelle un « procès théogonique » :   ce dernier étant coextensif à la conscience de soi et aboutissant à cette même conscience de soi, après en avoir traversé ces « représentations mythologiques »  qui la hantent lorsqu'elle n’a pas encore de prise sur elle-même. « La conscience a Dieu en elle, et non comme objet devant elle », écrira–t-il dans ses Leçons sur Le Monothéisme [3] , avant d’avancer  que l’Universel n’est qu’un « renversement » du Dieu unique du monothéisme, « l’Un extra-verti » et « retourné »  sur le Tout, l’Un-Tout projeté sur les concrétudes en acte et en puissance. Quant aux « représentations mythologiques » de ces « gentils », mythologie de ces « gentils », avec Œdipe, Médée et autres Diane d’Éphèse ne deviendront-elles pas l’ « inconscient » de Freud ? C’est dire que, loin de rester sur ce Parvis où l'on nous invite aujourd’hui, les Gentils ont depuis longtemps intégré une conception de l’humain unifié et qui portera le nom, discutable, nous le verrons, d’humanisme. Mais revenons au Parvis.

   Au Moyen Âge, le Parvis était le lieu des Mystères. Or, bien souvent l’espace de l’église lui-même s’ouvrait à ces spectacles extravagants, avant que la hiérarchie ecclésiale ne les condamne  à s'exiler, à partir de 1400, sur ce même Parvis. Parvis qui, vous le voyez, n’est pas un lieu sûr...

Le terme de « Gentils » n'en demeure pas moins confondant. Thomas d’Aquin, dans sa célèbre Somme contre les Gentils (le titre est de la main d'un copiste), entend le mot au sens de Paul, « l’Apôtre des Gentils ». Il désigne les peuples des nations non-juives de l’Antiquité,  bien que les discussions du théologien portent surtout sur les philosophes grecs que lui fait connaître Aristote, ce « gentil » à la logique duquel il ne se prive pas d’emprunter. Mais  afin de consolider la « vraie religion », il traite aussi de ce qu’il appelle les « erreurs » professées et pratiquées par les juifs, les musulmans et les chrétiens hérétiques contre la foi catholique et la raison. Tous « Gentils »? En dehors de l'Église, point de salut?

Cette polysémie des termes « Parvis » et « Gentils », de mémoire ambiguë et polémique, rend insaisissable le projet de ce dialogue, pour aussi pertinent qu'il puisse être. Surtout, appliquée à l’actualité, la métaphore ignore la rupture  inouïe qui s’est opérée au sein du christianisme, puis en dehors de celui-ci, pour donner naissance à l’humanisme de la Renaissance, à la philosophie des Lumières, aux libertés et aux impasses de la sécularisation, aux dangers et aux promesses de la technique enfin. La nouveauté de ces événements n’a rien de « gentil », dans l'acception du mot qui nous intéresse,  non seulement parce que des juifs participent à cette sécularisation, mais surtout parce que celle-ci n’est pas le paganisme pré-monothéiste. En « coupant le fil avec la tradition » grecque, juive et chrétienne, mais aussi « tout contre » elle, l’humanisme sécularisé propose une conception sans précédent de l’universalité humaine, qu’elle se compose d’une diversité de cultes religieux ou ne professe aucune croyance. Et c’est à partir de ses propres atouts et crises, mais aussi des avancées et des erreurs passées,  que cet humanisme nouveau, ni grec, ni romain, ni polythéiste, ni animiste, ni même théiste – apparaît comme un processus de refondation continue; exaltante et pénible, prometteuse peut-être mais à chaque pas indécidable, hésitant entre diverses versions plus ou moins dogmatiques ou inconsistantes, et ne pouvant s’affiner que par une permanente remise en question.

Comment entendre alors que l’ouverture d’un dialogue des croyants avec cet humanisme sécularisé  puisse s’abriter dans la métaphore d’un espace aussi chargé de séparations identitaires et de résorptions doctrinaires  que la métaphore de « Parvis des Gentils » ?  Pourrait-elle partager l’ambition d’un Henri de Lubac  dans son  Athéisme et le sens de l’homme (Cerf, 1968) lorsque, en commentant « Gaudeum et spes » de Vatican II, il désignait le dialogue entre « humanisme laïque » et « anthropologie chrétienne » ni plus ni moins que par le terme d’ « affrontement » ? Un affrontement qui serait un « art de la communication spirituelle », lequel « n’a pas son terme dans le sourire » (p.17), mais reste un « combat » (p.19) autour des conceptions de l’homme (celle des catholiques étant  un « culte de l’homme », écrit-il, p.14), mais qui devrait se mener  par « la force d’une pénétration spirituelle des deux protagonistes » (p.17) ?

 Cet affrontement, ce combat, cette pénétration mutuelle par l’art de la communication spirituelle sont-il possibles  si les uns sont placés sur le Parvis, et les autres détiennent le Saint des saints ? On peut en douter, et craindre que l’affrontement salutaire souhaité par de Lubac ne se solde par des discours parallèles  dans un espace de séparation. Mais l’intention se dit ouvrante, par delà le poids des mots qui ne le sont pas. Et ceux qui s’y engagent aujourd’hui feront certainement de leur mieux pour relever le défi. Merci donc de ce projet, de cette invitation, de ce pari.

 

1. Pourquoi oser : Sartre et Heidegger

 Lorsque avec et au travers les heurts des religions, des valeurs de liberté et d'égalités des chances secouent aujourd'hui la planète, n'est-ce pas à l'humanisme universaliste que ces mouvements se réfèrent et font appel? J’intitule pourtant mon propos « Oser l’humanisme ». Pourquoi ?  Quand il  se fige en systèmes – celui d’Auguste Comte ou de Marx, en passant par ce « radicalisme sécularisé » dont Sartre affirme qu'il  conserve les valeurs morales de la religion mais abandonne leur garantie divine, et qui sont par conséquent autant de  théologies qui s’ignorent - l’humanisme  apparaît  comme une survivance  métaphysique. Il déplace le culte divin de l’Absolu dans la Société ou dans la Nature Humaine, pour échouer dans une sociolâtrie ou une humanolâtrie que la philosophie contemporaine n’a pas manqué de brocarder. Heidegger ne disait-il pas que des « étiquettes de ce genre (…) entraînent le malheur » ? On songe au mot célèbre de Mme Roland sur l'échafaud, à l'époque de la Terreur : « Liberté, que de crimes on commet en ton nom ! », mais aussi au goulag dans lequel s’est échoué l’ « homme nouveau » du communisme, sans parler des impasses, ni des malversations dans lesquelles se compromet le « droit-de-l’hommisme » » ; et Heidegger de s'interroger s’il est encore nécessaire de redonner un sens à ce mot...

 

 Les deux textes sur l’humanisme qui firent date après la Shoah, L’existentialisme est un humanisme de Sartre  (une conférence de 1945) et la  Lettre  sur l’humanisme (à Jean Beaufret) de Heidegger, (en 1946), font à peine allusion à la généalogie biblique et évangélique de ce concept. Heidegger souligne surtout sa provenance romaine. Tandis que Sartre insiste sur la liberté dans l’existence qui, chez l’humain, précéderait l’essence ;  Heidegger développe  la proximité ex-statique de l’Être dont l’homme serait le Berger : celui-ci s’abrite dans le langage, mais reste « celé », inaccessible à la philosophie. Inconciliables et incomparables (conférence de circonstance, chez Sartre ; texte méticuleusement écrit par Heidegger), ces deux réflexions majeures ont cependant ceci en commun qu’elles proposent des visions de l’homme qui n'ont pas à affirmer leur « athéisme », se gardant même de commenter l’idée de Dieu (l’élection de l’homme par Yahvé dans la Bible ; un Dieu-Amour fait Homme selon les Évangiles), comme l'avaient fait auparavant Descartes, Kant, Shelling et Hegel – en philosophes qui affrontaient la théologie.

Avec une naïveté feinte, Sartre  affirme qu’il « est très gênant que Dieu n’existe pas, car avec lui disparaît toute possibilité de trouver des valeurs dans un ciel intelligible » [4] . Dès lors, « l’homme, sans aucun secours, est condamné à chaque instant à inventer l’homme » [5]  ; promesses et risques donc de cette liberté, car la « valeur n’est autre chose que le sens que nous choisissons » [6] . Plus prudent et « poïétique », Heidegger «  ne se décide ni pour ni contre l’existence de Dieu», et n’adhère pas pour autant à « indifférentisme » (sous-entendu ici l’agnosticisme) ; puisque,  « en ce moment où nous sommes du destin mondial », « la pensée ne dépasse pas la métaphysique en la surmontant(…): mais en redescendant jusqu’à la proximité la plus proche … [cette] descente conduit à la pauvreté de l’ek-sistence de l’homo humanus » [7] . Cette pauvreté où le philosophe cherche l’humain réside dans l’ « éclaircissement » qui vient du langage : par la simplicité insolite de la parole, où les lois éthiques ont « redescendu »,  selon le dire du poète, avant de céder au « pas  lent » du « paysan à travers la campagne », pour clore cet « amour de la sagesse » qu’est l’humanisme selon la Lettre à Baufret.

  Quels que soient les multiples visages DES humanismes que je viens d’esquisser à larges traits, qu’ils assument leur athéisme ou évitent de le faire, les interrogations sur l’humanisme laissent « vide la part du vide » que « recouvre ce mot le plus fort, le plus auguste et le plus opaque qui puisse exister, Dieu » [8] et tentent de construire une représentation de l’homme, en « transvaluant », selon Nietzsche, certaines représentations antérieures issues de la tradition grecque-biblique-évangélique : « L’humanisme ne situe pas assez haut l’humanitas de l’homme », écrit Heidegger [9] qui ne semble pas si hostile tout compte fait à un humanisme… à repenser sans fin. À condition de viser un tel « haut » dans la « descente » vers la plus profonde pauvreté du langage : celle du poète, et jusqu'au « pas du paysan ».

 C’est dans cet esprit que j’évoquerais trois moments dans lesquels s’est cristallisée l’idée de l’homme sécularisé, en débat avec la tradition de l’Antiquité, du judaïsme et du christianisme, et face aux mutations historiques, techniques et scientifiques : Érasme, le XVIIIe siècle français, Freud. Pour  montrer que c’est moins une négation de Dieu qu'elle nous propose qu'une interrogation sur l’« être de l’homme »,  qui s’avère coextensif aussi bien au besoin de croire propre à la religiosité anthropologique (à distinguer de la Religion institutionnalisée)  qu’au désir de savoir qui anime la liberté de penser : deux universaux humains qui conduiront l’humanisme dit sécularisé à renoncer à fixer un Objet Absolu du désir pour tous, sans pour autant renoncer  au besoin de croire ni au désir de savoir, et moins encore aux moyens de les élucider.

2. Parmi les bâtisseurs : Érasme, les Lumières, Freud

2.1. Érasme ou comment apprivoiser la folie

  Contrairement à une idée reçue, Érasme ne cherche pas à réhabiliter l’homo romanus quand il écrit son Éloge de la Folie, publié en 1511. Pas de  système philosophique, aucun programme politique : au moment de sa cristallisation chez Érasme, l’humanisme est  une expérience du langage qui apprivoise la folie et rêve de paix. Message de modération ? Ou, plus exactement, en donnant des mots aux errements fous des hommes, l’humanisme essaie-t-il d’éviter le carnage des guerres, notamment celles dites de Religion?  Insaisissable dissident, Érasme l’« anguille »  échappe des mains de Luther comme au contrôle du Vatican. Sa cohabitation studieuse et inspirée avec la culture gréco-romaine l’oblige à retraduire la Vulgate, tout en faisant l’apologie de son auteur, saint Jérôme. Mais là où ce Néerlandais s’impose comme la figure majeure de l’humanisme renaissant, c’est bien dans son art d’apprivoiser notre inquiétante étrangeté, celle qui est la plus troublante, en effet, parce qu'elle est aussi la « plus proche », que ce soit la folie (dans l’Éloge) ou l’immaturité de l’enfance qui ne cesse de nous habiter (dans la Civilité puérile, 1530, destinée au Prince Henri de Bourgogne). L’humanisme de la Renaissance se sépare de la théologie quand le théologien  Érasme, féru de rhétorique antique, s’exprime par la bouche de Dame Folie : « Sans moi (déclare-t-il/ déclare-t-elle), le monde ne peut vivre un seul instant .» N'étant pas d'essence sacrée, ni un animal rationnel, l’humain serait-il donc une existence folle,  une singulière aberration, ni tragique ni comique, encore qu’elle puisse être les deux ? Ainsi Dame Folie est mon alter ego, le vôtre, celui des saints aussi. Nous sommes tous dédoublés, dissociés, « clivés », comme le disent aujourd’hui les psys, mais chacun l'entend différemment. Que faire ? Ni péché, ni absolution, Érasme nous offre, très exactement, une déclamation. Il installe Dame Folie sur des tréteaux de foire : son éloge serait-il une satire ? Pourtant, ce n’est pas lui qui parle, je est déjà un autre, une autre, femme qui déraisonne, je-elle passe en revue les turpitudes, les guerres, les carnages des passions en rut qui n’épargnent personne, la dévastation en cours. C’est un pamphlet ! Pas tout à fait, j’ironise. Et ce n’est pas tout : pour finir, Dame Folie s’empare doucement des apôtres eux-mêmes, des mystiques et des amants.  Théâtral, polyphonique, « stade esthétique ironique » (Kierkegaard), l’humanisme ici ne nous transcende pas, il nous cherche plutôt dans le plus inavouable. Et fait le pari de vivre ensemble quand, après avoir emporté la morale et les valeurs, les passions défraient la conscience elle-même. Lorsque, vingt ans plus tard,  Érasme se fait pédagogue, il garde cette même attitude qui « ne dépasse pas » mais  « apprivoise » la vulnérabilité des humains : aucun théomorphisme, pas de culte de la « bonne Samaritaine », encore moins  du « surhomme ».  Il demandera simplement  aux enseignants de « revivre l’enfance » par le truchement du jeu. Cette « éjouissance », dira Montaigne. Et sans oublier qu’un code éthique soutient le jeu pour le transformer en projet de vie. Paul de Tarse l’avait dit : « Frères, ne soyez pas des enfants sans le rapport du jugement ; mais faites-vous enfants sous le rapport  de la malice et, pour le jugement, soyez des hommes faits »(Cor. 14, 20). Érasme le savait, qui a transformé la lettre du message paulinien en expérience intérieure et en transmission.

 

2.2. Diderot et Sade : infirmité, passion, impudence d’énoncer

  Voyons comment, ainsi annoncé, l’humanisme se détache de ce qu’on a pu appeler a posteriori l’ « humanisme chrétien » que résumerait le « dépassement » pascalien : « Apprenez que l’homme passe infiniment l’homme… Écoutez Dieu. » [10]

   Depuis Nietzsche,  qui l’a formulé à la fin du XIXe siècle,  le diagnostic se répand et s’aggrave : en assignant aux humains le souci de s’élever, de se transcender, l’humanisme chrétien, et certains courants dits humanistes à sa suite,  imposeraient  une double et dangereuse image de l’homme. D’une part, la créature pécheresse, déchue, ou « bionégative » ; de l’autre, l’incitation à l’héroïsme qui s’achève dans l’ « existentialisme de l’obstination » (Sloterdijk) au quotidien, voire le culte olympien. Toujours déjà en manque de Dieu et frappé d’un défaut originaire (le « péché originel» des théologiens ; la « prématuration » selon l’approche bio-psychologique), l’humanité serait une espèce handicapée ; tandis que l’humanisme  qui en découle se voit condamné à se retirer  dans la  seule universalité qui lui reste, celle des douloureux et des  infirmes. Ces vestiges d'un christianisme expiatoire s’accompagnent de leur envers symétrique et solidaire – l’héroïsation de la vulnérabilité universelle dans le sacre des jeux Olympiques, et dans cette forme « politically correct » du handicap qui ne le supporte, au sens médiatique du terme, que s’il parvient à remporter une médaille à ces mêmes jeux. Un courant majeur du prétendu humanisme moderne, normatif, normalisant, épris de performance et de compétitivité entrepreneuriale dans la course du « travailler plus pour gagner plus », partage  cette philosophie. Tandis qu’un autre, sous prétexte de le déconstruire, flatte le déni de cette exclusion la plus sournoise qu’est le handicap, qui fait peur parce qu’il nous confronte à la mortalité psychique et physique , aggravant l’indifférence croissante du corps social et des pouvoirs politiques à cet égard.

   Je ressens la réduction de l’humanisme à ces deux extrêmes (misérabilisme/ « fragilitisme »  et obstination réparatrice ou héroïsante) comme une véritable maltraitance de l’expérience spécifique et complexe des personnes en situation de handicap. J'y vois un oubli de deux composantes essentielles de l’humanisme. Tout d’abord, l’éthique du bonheur et de la liberté chez  Baruch Spinoza, dont je ne  rappellerai que le célèbre « Deus sive natura » du Traité Théologico-philosophique, avec ses multiples interprétations libertaires, athées et aujourd’hui écologiques sur fond de crise climatique et nucléaire ; ainsi que la toujours énigmatique formule de réconciliation dans l'Éthique : « Dieu s’aime lui-même d’un amour intellectuel infini.» Ensuite, celle des Lumières françaises qui, avec Diderot et Sade notamment, ouvrent plus courageusement que jamais la scène des passions singulières  et du comment vivre ensemble avec elles.

      L’ex-chanoine Diderot  n’avait pas oublié  la misère du corps humain. Il l'a cherchée dans le corps handicapé, précisément, d’un aveugle de Cambridge : géomètre de génie qui avait l’« âme au bout des doigts » et  calculait  comme personne des volumes qu’il n’avait jamais vus. Diderot lui consacre sa Lettre sur les aveugles à l’usage de ceux qui voient (1749) où, s’insurgeant ainsi, par le biais du handicap, contre la théologie de la prédestination, de déiste qu’il était devint athée, ce qui lui valut d’être embastillé. L’humanisme politique est né, qui fait de l'aveugle un sujet politique, et invite le groupe social à assumer ses responsabilités vis-à-vis de l'irréparable. De surcroît, l'encyclopédiste va bientôt approfondir cette dimension « horizontale » du nouvel humanisme interactif. Sa « Lettre sur les sourds et les muets » (1751) procède par glissements de sens pour s’adresser à tous ceux qui ne savent plus ni écouter ni entendre. Tout en prenant à partie l’obscurantisme et en appelant de ses vœux la liberté de pensée sous la monarchie,  il en appelle à l’espace intérieur de chacun, à l’expérience subjective de ce qu' « écouter » et « entendre » veut dire.  S'est-il  rappelé l’Evangéliste  Jean ? « Magnifique celui qui lit et ceux qui entendent  » (Apc 1,3). En un temps de catastrophe sociale ou cosmique comme celui que nous vivons, c’est par une réinvention des capacités de penser que la vie pourra recommencer, non pas une vie purement physiologique, qui serait une zoo-logie, mais une bio-graphie (en souvenir d'Aristote) : une irréductible subjectivité qui soit partageable.

Désir et plaisir de créer des liens, de vivre ensemble, sans oublier la capacité d’être seul : avec les Lumières et jusqu’à Freud, l’humanisme sera surtout un érotisme, au sens étymologique du terme, ni «en manque » ni tragique, mais créativité innovante. D’emblée, cependant, une aporie l’accompagne : comment  serait-il possible de vivre cet érotisme sans le mélange de contraintes, de répressions et d’illusions que tissent autour de lui les religions ? Diderot, qui aborde vaillamment le dilemme,  peine à trouver la réponse dans l’Entretien d’un philosophe avec la Maréchale de ***, laquelle, en écho au pari pascalien, demande à ce maître ès incrédulité : «  Que gagnez-vous donc à ne pas croire ? » On n’est pas moral pour rien, sous-entend l’interlocutrice, et si Crudeli le philosophe ne cherche ni dédommagement du Ciel ni jouissance sur terre, « cela est triste », conclut-elle. La seule solution que propose l’athée à la Maréchale, pour suppléer la religion dans le refoulement des passions mauvaises, c’est  un  « penchant naturel à la bienfaisance » fortifié par l’éducation et par l’âge. La bonne catholique n’y croit guère et il faudra attendre cet argument massue du philosophe qui mettra fin au dialogue : loin de pallier les passions, les religions au contraire attisent celles-ci  et, fondées sur un être incompréhensible au sujet duquel les hommes ne parviennent pas à s’entendre, elles sont sources de dissensions. 

Par ailleurs, la charge de l’écrivain persifleur contre la claustration abusive dans La Religieuse tourne court : les amis de Diderot le trouvent en larmes, ne pouvant, de son propre aveu, terminer le manuscrit de « ce conte à moi que je me fais ». Réchappée du couvent, sa religieuse ne trouve pas plus de sens à sa vie que  Diderot lui-même pour en faire un roman.  Il le retrouvera dans Le Neveu de Rameau : par le dialogue entre Lui – le musicien libertin et spasmodique et Moi – le philosophe, qui annonce un humanisme de la complexité psycho-sexuelle, et dont « impudence d'énoncer » (le mot est de Hegel) sera la marque distinctive de ce nouvel humanisme émergent que  la Phénoménologie de l'esprit  appréhende dans le concept de la  « culture » et tout particulièrement la culture française.

En effet, et tandis que, dans sa Nouvelle Héloïse et dans son Émile, Rousseau invente le couple moderne biface, à la fois abri pour la procréation et pouponnière de citoyens pour l’État bourgeois,  c’est l’impudence d’énoncer qui explose dans les œuvres du  Marquis de Sade. Elle  dévoile la cruauté de la toute-puissance pulsionnelle des hommes et des femmes, quand ils prétendent s'affranchir de la Cause divine et des lois morales qu'elle édicte pour égaler un infini non plus placé dans l’au-delà, mais au ras des passions. Du Dialogue entre un prêtre et un moribond au château de Silling dans les Cent vingt journées de Sodome, le libre cours des désirs les plus singuliers s’oppose à la fois au déni du plaisir par les interdits religieux et à la massification de celui-ci par les dogmes, qu'ils soient religieux ou politiques. C’est dans la précision épurée du langage, et dans le cercle de micro-sociétés aussi secrètes que fantasmatiques, en discret rappel des monastères de stricte observance, que cette vérité cruelle du désir se déploie, à la personne la plus extravagante du singulier. Insoutenable transgression de la loi morale,  la jouissance singularisée à mort se formule nécessairement comme un blasphème, jaloux du pouvoir de l’Être suprême lui-même fut-il religieux ou républicain, démasqué in fine comme un « Être suprême en méchanceté ». La réalisation de ce jouir monstrueusement particulier ne pouvant qu’être immonde, c’est en renonçant au monde que l’écriture de Sade jouit d'éclairer, en son  imagination sans frein, les inépuisables débauches des passions.

L'Énergie noire de ce nouvel Éloge de la folie, tel un envers satanique du théisme, une sarcastique catastrophe de l’humanisme classique, abandonne la prudence humaniste des prédécesseurs. Et ses propres apories signalent au lecteur, fasciné ou torturé,  le vide de l'infinie transcendance qui se solde par la cruauté de l'infini désir à mort, ainsi que l'impasse de humanisme qui, lorsqu'il censure cette « impudence d'énoncer », déchoit de son ambition à sonder l' « être de l'homme ». Le vide que la modernité est loin d’avoir comblé : comment penser  « en monde »,  partager dans la réalité des liens humains, l’infinie poussée du désir et ses effondrements - sans le code protecteur édicté par la Cause divine et sa consubstantielle conscience morale?

 

2.3. Freud : entre besoin de croire et désir de savoir

  Ici intervient la découverte de l’inconscient et s’esquisse une nouvelle version  de l’humanisme : encore et toujours passée sous silence, « celée », pour reprendre le mot de Heidegger. Loin de biologiser l’ « essence de l’homme », Freud place dans l’inconscient les logiques des pulsions et des désirs,  envisageant ainsi des économies complexes d'une expérience subjective tissée des pulsions de vie et de mort, des processus primaires et secondaires, de leurs représentants et de leurs représentations, des rêves et affects, des désirs, idéalisations, sublimations, perlaborations.

  Juif athée et aventurier des passions, l’homme des Lumières que fut Sigmund Freud ne se laisse pas happer par les raffinements voluptueux, à la manière d'un marquis de Sade, pas plus qu'il ne se montre sensible à la « perception illimitée d’union avec le Grand Tout » dont lui parle une de ses élèves les plus douées, Lou-Andréas Salomé. Dès 1911, dans ses « Formulations sur les deux principes du cours des événements psychiques », Freud postule  une « révolution psychique de la matière » qui constitue l’hominisation et spécifie l’être humain : à l’omnipotence du « principe de plaisir » qui domine le vivant, et l’humain à ses débuts, succède  l’instauration du « principe de réalité ». Pour ce faire, les pulsions se portent contre l’identité de l’organisme vivant, et dans l’acte souvent le plus passionné, un chiasme advient : l’identité sensible, percevante et sensuelle du vivant se décompose ( jusqu’à inspirer le goût du néant et de la mort), mais une partie de l’énergie pulsionnelle est investie comme représentation psychique. Dans cette nouvelle réalité qu’est la représentation psychique va s’accomplir (nous verrons comment) une assomption de la singularité qui se représente comme une unité symbolique transcendant l’organisme, et distincte de la réalité objective extérieure [11] . Baudelaire dit-il autre chose quand, en « parfait alchimiste »,  il détaille le «  goût de l’infini » et déclare : « tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or » (11)?

   Entendons par là que, tandis que la pulsion animale suit  la voie générale de l’espèce, la  représentation psychique ( la psychisation)  renonce à la satisfaction pulsionnelle immédiate, et c’est une réalité psychique d’une nouvelle espèce, que l’humain prend pour but de ses plaisirs d’un nouveau type. On dira qu’il l’« investit »,  (Besetzung, en allemand, Cathexis en anglais : retenons ces mots). La réalité psychique distincte de la réalité du corps et de son milieu, devient donc à son tour source de plaisir, dans la quête d’un objet de désir qui sans fin se dérobe.

Ce modèle théorico-clinique de Freud opère en fait une refonte entre, d’une part, les impératifs des passions dominées par l’excitation et, d’autre part, les contraintes au renoncement qu’impose la vie sociale : une dichotomie que Diderot comme Sade avaient laissée sans solution dans le non-dit et le suspens de leurs fictions. Le modèle freudien croise l’origine de la raison avec la racine du désir. Sous la pression de facteurs biologiques, économiques et culturels, l’hominisation serait ainsi « comparable à un processus organique » qui « déplace les buts pulsionnels et fait que les hommes répugnent à ce qui leur était insupportable ; il semble aussi que le renforcement progressif de l’esprit scientifique en  soit une partie essentielle» [12]

Un autre pas décisif accompagne cette théorie freudienne du « parlêtre » (Lacan) : le renoncement aux satisfactions pulsionnelles au profit des investissements psychiques s’appuie, dans l’histoire de l’Homo sapiens, sur la « désirance du Père », à savoir le désir d’investir le Père et en même temps être investi par lui. En prenant plaisir à la représentation psychique, et par le biais de l’investissement de la fonction paternelle, l’humain s’ouvre la voie au développement de la pensée, qui va le distancier –  sans qu'il en soit jamais coupé – de la racine du couple plaisir-cruauté. Plutôt que dans leur seule mise en acte à travers les plaisirs ou le seul renoncement sous couvert d’illusions religieuses, il trouvera son avantage, les bénéfices de plaisirs, dans l'élucidation de ses désirs.

 

  Cette psychisation comporte une condition majeure indispensable : la fonction paternelle.

   Tandis que  Romain Rolland conduit Freud  à distinguer, au contact maternel, un « sentiment océanique » comme le prototype de l’extase dans lequel excelle l’expérience religieuse, c’est  l’identification primaire, Einfühlung, avec  la figure du Père de la « préhistoire individuelle »   qui oriente  (selon le psychanalyste) le but pulsionnel : elle le détache de la seule satisfaction sensorielle,  et soutient sa capacité d’investir  les  représentations psychiques .  Notez que nous sommes ici avant la révolte d’Œdipe contre Laios, et que très tôt  le futur être parlant investit la fonction du père qui le reconnaît et qu’il reconnaît : non pas le père comme « objet » de satisfaction, mais comme pôle d’identification - dons et attentes réciproques de reconnaissance.

 L’acte psychique ici mis en évidence, l’ « investissement »,  se dit  en sanscrit  kredh, sraddha, , en latin : credo. Ce chiasme du biologique en psychique, par le truchement de l’ « attente croyante » [13] (entre le Père et le Sujet parlant en voie de constitution, transforme le vivant en être psychisant-parlant-pensant. C’est bien cette dimension de représentation, c'est-à-dire la capacité de faire sens au plus près de la conservation de l’organisme vivant-sentant-sensible, qui fait l’être de l’homme dans l’écoute que Freud nous a léguée. Portée par le désir maternel pour le père (le sien et/ou celui de l’enfant), cette Einfühlung  – « unification », « devenir UN » avec le père – constitue une occurrence pré-religieuse du « croire » comme un besoin anthropologique universel. De ce fait, cette Einfühlung dans le besoin de croire apparaît comme une précondition du langage franchissant la dyade océanique mère/infans et s’adressant au Tiers où s’accomplit  l’ « assomption du sujet ». « J’ai cru et j’ai parlé », dit le psalmiste  (Ps 116), repris par Paul dans sa Deuxième Epître aux Corinthiens (4, 13).

 Le monothéisme célèbre cette vérité anthropologique qu’est la désirance du père  par l’intermédiaire du besoin de croire frayant la voie à la parole.  Lacan l’exprime à sa façon : «  Pour un rien, le dire ça fait Dieu. » [14]   Freud lui-même sera convaincu que les religions institutionnalisent certaines étapes de cette dynamique, et consolident parfois le plaisir d’imaginer et de penser,  mais le plus souvent entravent le désir d’innover en pensant.  Au contraire, un certain renoncement pulsionnel et le besoin de croire repris par le désir de savoir dans l’expérience complexe de la subjectivité, lui paraissent nécessaires à la culture, quelle qu’elle soit, pour faire lien, c'est-à-dire constituer les communautés dans l’histoire. Autrement dit, une « religiosité » sous-jacente aux institutions religieuses historiquement constituées, s’avère la condition nécessaire indispensable au développement du désir de savoir. Ce besoin de croire, cette religiosité anthropologique ne peuvent pas se dissoudre, ils ne peuvent que « se sublimer » [15] .  Et surtout de se remettre infiniment en question, par le désir de savoir qui éclate dans la curiosité de l'enfant et dans l'irréstistible élan du chercheur.

 Mais si « toute culture doit nécessairement s’édifier sur la contrainte et le renoncement pulsionnel » [16] , on ne doit pas pour autant confondre celui-ci avec le « refoulement  secondaire» imposé par les contraintes sociales et religieuses ou les obstacles psychiques. Graduellement, culturellement, voire biologiquement conditionné, ce domptage pulsionnel optimal ne s’effectuerait que dans l’investissement du lien au Tiers (confiance, créance, reconnaissance, foi) comme aux autres humains. Ainsi comprise, nous l'avons vu, comme « processus organique » de déplacement des buts pulsionnels, le besoin de croire (ou « religiosité » distincte de « la religion » et « les religions ») est une partie intégrante de l'humanisme, selon de cet athée « de cœur et de raison » que fut Freud.

  La complexité de cette construction de l’Être Humain  esquissée par Freud, se traduit et se développe aujourd’hui dans l’écoute de l’expérience psychique que nous confient les analysants. Par ailleurs, et à rebours, cette modernité nous permet d’en redécouvrir les prémices dans les hauts lieux de l’expérience intérieure que nous a laissés la tradition religieuse, notamment mystique.

   Pour être verticale dans son dépassement ascensionnel vers la Loi ou l’Idéal, l’expérience intérieure de l’Homo religiosusn’est pas exclusivement ascétique, mais comporte son enfer comme son paradis.  La mystique, en particulier,  a construit la complexité psychosexuelle de l’homme et de la femme occidentaux : « Ego Affectusest », et « Credo Experto », a dit saint Bernard, homme guerrier et amoureux, croisé, contemporain des troubadours, précurseur de la Renaissance; « Je demande à Dieu de me laisser libre de Dieu », insiste de son côté Maître Eckhart, léguant son vocabulaire mystique à la philosophie allemande ; « Jouez, mes sœurs, aux échecs, oui, pour faire échec et mat au Seigneur », avance enfin dans un sourire Thérèse d’Avila.

 Cependant, parallèlement à ces avancées dans le besoin de croire, où selon Freud toujours, mystique et psychanalyse viseraient un « point d’attaque similaire », la psychanalyse – avec les sciences humaines – soulève une question plus générale concernant la structure même d'Homo religiosus. Celui-ci ne saurait éclairer l’hainamoration qui le porte, qu’en faisant un pas de côté et en se prenant lui-même pour objet de pensée. Pourrait-il ouvrir sa théo-logie aux multiples interprétations des multiples variantes des besoins de croire ?  La recherche psychanalytique  fait le pari qu’il est possible de dire l’amour de l’autre, infiniment ; de s’analyser en l’analysant, infiniment ? La psychanalyse serait-elle une des variantes de la théo-logie ? Sa variante ultime, qui sait, hic et nunc ?

3.        Les nouveaux acteurs de l’humanisme : les femmes, les mères, des adolescents

L’écoute psychanalytique nous permet d’aborder de nouveaux acteurs de l’humanisme – les passions libérées,  les femmes, les mères, les ados  (parmi d’autres),  dont l’irruption dans la culture et la politique embarrasse aujourd’hui les idéologies traditionnelles, qu'il s'agisse des dogmes des religions révélées ou des défaillances de  l’humanisme.

 On ne le dira jamais assez : de Théroigne de Méricourt à Louise Michel et Simone de Beauvoir, l’humanisme est un féminisme. Pourtant, l’accès –inachevé – des femmes à la liberté d’aimer, de procréer, de penser, d'entreprendre, voire de gouverner, ne peut faire oublier que la sécularisation est la seule civilisation qui n’a pas de discours sur la maternité, bien qu’une partie importante de la recherche en psychanalyse contemporaine se consacre aujourd’hui à la relation précoce mère/enfant.

Qu’est-ce qu’une mère ? En expérimentant le plus bouleversant des événements qui soient pour les vivants, l’accouchement,  placée en sentinelle à la frontière de la vie et de la mort, entre l’accueil érotique du partenaire, la gestation d’un inconnu et l’expulsion de l’infans qu’elle amènera à la parole et à la pensée, la mère est l’actrice majeure du « refoulement originaire » avec lequel s’inaugure la capacité de langage.  Par son « action spécifique » (écrit Freud dès l’Esquisse), ou sa « préoccupation maternelle primaire » (Winnicott ), la mère apaise, puis satisfait l’excitation et l’angoisse ; elle l’écoute, la déchiffre, l'interprète et la nomme. Source de survie et de sens, elle ne se contente pas  – pas toujours en tout cas – d’ordonner ni de garantir l’ordre, même si le contrat social lui intime de le faire et qu’elle puisse se complaire souvent à cela jusqu’au conformisme et à la servitude volontaire. Contre lesquelles les féministes se sont révoltées, en rejetant la maternité elle-même avec ses abus. Car, avec un peu de chance et avec l’aide du père, une mère est capable de tisser les liens sensoriels et nommables.

Elle est l’actrice de ce que j’appellerai la reliance. Avant  le besoin de croire que cristallise l’identification primaire avec le Père de la préhistoire individuelle,  la reliance maternelle est à l’aube du psychisme, précédant ainsi le besoin de croire  que  les religions institutionnaliseront. La mère construit avec chaque nouveau-venu un code sensible, le pré-langage, et transforme le tactile en tact pour amener l'infans au langage. Comment un sujet femme, amante de surcroît et chaque jour plus requise professionnellement pourrait-elle dire « je » à ce carrefour de la passion /vocation maternelle ? Elle n’en parle pas,  elle s’en affole parfois : l’humanisme moderne est confronté aussi à cette folie maternelle,  doublure de l’emprise maternelle (dont parle seulement son fils le poète, scandalisé par ce pouvoir dont la mère est supposée jouir sans le dire :  « Elle-même prépare au fond de la Géhenne/ Les terribles bûchers consacrés aux crimes maternels » [17] . Les religions l'oublient ou en font une déesse, mais sa tendresse, sa finesse, ses ruses, sa passion leur échappent. « La femme  libre n'est pas encore née », écrivait Simone de Beauvoir. La mère libre encore moins, et il n'y aura pas de nouvel humanisme sans que les mères  aient su prendre la parole. Et c’est chez Thérèse d’Avila priant Marie que je trouve comment accompagner la maternité, en partant de cette reliance entre biologie et sens, où la mère rencontre le premier autre, et en passant par la part d’adoption qui habite toute maternité. Fallait-il donc être une sainte pour construire une autre maternité, définie en ces termes  : « ne pas seulement jouir de soi et pour soi », mais « penser du point de vue de l'autre » et « ne jamais se lier les mains »?  En d’autres termes, la maternité de reliance est un processus permanent d’adoption d’étrangetés. Et d’éclosions : au sens que Colette prêtait à ce terme floral qu’elle aimait, c'est-à-dire le perpétuel renouvellement, une cascade de surprises dans la vie du corps et de l’esprit. Pour le meilleur comme pour le pire.

   Mais si l’humanisme est un féminisme, il est aussi adolescence. Pourquoi ces ados anorexiques, suicidaires, toxicos, incendiaires, ou encore rêveurs, novateurs, libérateurs, romantiques  fascinent-ils et font-ils peur?  Parce qu’ils sont  amoureux en quête d’idéaux. Les ados : des malades d’idéalités. Non pas des chercheurs en laboratoires comme le sont les enfants qui veulent tout savoir, mais  des croyants qui croient durs comme fers que l’Objet d’Amour Absolu existe. Et puisqu’ils ne le trouvent pas, ces  Adams et Eves, ces Roméos et Juliettes deviennent des nihilistes, des casseurs, des kamikazes.  La sécularisation est aussi la seule civilisation qui manque de rites d’initiation pour ses ados. Les psys, les éducateurs, les sociologues, les parents pourront-ils  déchiffrer  ces «  maladies d’idéalités », ses besoins de croire, qui se cachent sous les excès érotiques et les passages à l’acte mortifères (thanatiques) des ados ?

   Pour finir, j'évoquerai les défis de la technique et de l’interculturalité, que l’humanisme, si décrié, est appelé à relever; car j'ai la hardiesse de penser qu'il peut se reconstruire de façon continue.

4.        Expérience intérieure et hyperconnectivité 

            Un nouveau paramètre surgit : « Il y a toujours de l'information. » Assistons-nous, au seuil du troisième millénaire, dans la culture de l’entreprise hyperconnectée et des technologies intelligentes qui s’introduisent dans l’intimité la plus réservée, désormais en voie de colonisation biotechnique, à la disparition de l’espace intérieur dont jouissait Thérèse dans ses sept « demeures », et que Diderot cherchait déjà, avec les sourds et les muets, à réhabiliter ?

 Au terme de sa Critique de la Raison pure, Kant entrevoit la possibilité d'un « corpus mysticumdes êtres raisonnables en lui ». Mais la métaphore kantienne de l'union avec soi-même et avec le tout autre ne peut s'entendre au seul sens, galvaudé et en faillite de nos jours, de la « solidarité », voire de la « fraternité » par Twitter  interposé. L'universalité proclamée des droits de l'homme n'a toujours pas conduit notre global village à une éthique exemplaire, et la transparence médiatique de l'ère postmoderne accentue plus cruellement que jamais la persistance de la barbarie. La liberté étant synonyme de désir, comment puis-je entrer en « union » avec mes désirs à mort et avec ceux de tout autre, sinon en m'exilant de ce moi que j'aurais passionnément exploré, pour transmuer mes pulsions et désirs eux-mêmes, à écoute de la liberté de tout autre, du Tout Autre? Ce pacte, qui tient sous son empire le sujet mystique, ne se réduit pas aux seules lois morales; il les transforme en amour absolu. La séduction exercée par la mystique sur les contemporains fait apparaître une absence : ils nous manquent aujourd'hui un discours amoureux et une expérience amoureuse modernes. Sont-ils possibles? En revisitant, relisant, découvrant, interprétant le corpus mysticumqui nous précède, certains d'entre nous essaient de les réinventer.

De nouvelles opérativités technologiques réveillent aujourd’hui les vieilles phobies contre la technique supposée dénaturer la sacro-sainte « nature humaine ». L’horreur atomique attise ces terreurs. L’intervention de la science, in utero ou sur l’ADN, quand elle devient capable de remédier aux malformations ou aux maladies, provoque le laisser-faire des uns et les résistances effrayées des autres : pour ou contre le « Bébé de l’espoir » ou le « Bébé médicament » ?  Pourtant, l’« automanipulation de l’être humain » (selon la formule du jésuite Karl Rahner) n’a pas débuté à l’ère atomique, ni à celle des cellules souches...

 Certains cependant prétendent qu’il suffirait de donner libre cours à la « com », à la finance, à l’entreprise et aux technologies intelligentes qui, « en elles-mêmes », engendreraient la version troisième millénaire de l’humanisme, discréditant l’« archaïsme » de l’espace subjectif, déclaré « humanolâtre » et  nombriliste. Et ce au profit d’un sujet nouveau, « affiné et coopératif, jouant avec lui-même », bien que non dépourvu de la conscience que « des conflits intenses » l’attendent entre-temps [18] . À quand, pour qui et où, une humanité aussi coopérative que sur « Facebook » ?

Il est de mode de discréditer l’« archaïsme » de l’espace subjectif, déclaré « humanolâtre » et  autocontemplatif. Or ce n’est pas un Soi idéal, hanté par le souci de dominer sa « matière » que nous lègue la percée freudienne, mais une subjectivation toujours déjà « dialogique » et « en chemin », « en procès », foncièrement hétérogène (biologie et sens ) qui permet  de penser la complexité de l’humain, non pas comme « manquant » ou «incomplet », mais en permanente innovation..

Sous les apparences d’une ruée vers les « spiritualités », une autre vision de l’humain se dessine aujourd’hui qui, en contrepoint au biotech century , découvre et développe l’intelligence de la spécificité intime. Je cherche, je découvre, j’entends, je partage le langage singulier de cet homme-ci, de cette femme-là : c’est l’haecceitas de Duns Scot, le « ceci » - qui n’est pas nécessairement l’infirme, bien qu’il puisse l’être. L’humanisme devrait être une écoute du singulier. A condition que   nos « singularités instables et innovantes» puissent ajouter à la solidarité du groupe envers chacun de ses membres, quel qu’il soit, la profondeur irréductible de l’espace intérieur .

Pourtant après la  Shoah, la dernière énigme, et non la moindre, à laquelle nous confronte la  globalisation galopante, concerne les mutations du sujet singulier qui, quelles qu’en soient les figures, s’est constitué dans le sillage de la tradition grecque-juive-chrétienne. Le bouleversement des structures œdipiennes au sein de la famille recomposée ; mais aussi  l’émergence de cultures  qui ne semblent pas partager les mêmes logiques de singularités libertaires, tout en étant séduites (des musulmans, des confucéens, des shintoïstes…), n’abolissent pas vraiment l’universalité des constantes anthropologiques, telles qu’elles ont été découvertes puis fixées par les  monothéismes, et que l’expérience analytique depuis Freud s’efforce d’élucider. Ces bouleversements nous obligent cependant à affronter, avec un mélange de fermeté et de tolérance, aussi bien les codes éthiques nécessaires à l’autonomie de la pensée et à la liberté du sujet qui se sont cristallisés dans la foulée de cette tradition et à travers ses ruptures, que ses contingences transgressives, révoltées, « queer » ou « impures ».  Fait nouveau : la sécularisation moderne et les nouvelles techniques rendent possible l’affirmation de ces transgressions non plus comme des perversions (de l’Œdipe, de la Loi, de l’ordre symbolique), mais comme des invitations faites à la modernité pour qu'elle invente de nouvelles parentés, de nouvelles familles, de nouvelles légalités.

   Je tiens qu'inauguré par la Renaissance et les Lumières, après la modernité normative du judaïsme moderne (Herman Cohen, Hans Rosenzweig, Gershom Scholem, Levinas),  et la modernité critique (Nietzsche et Heidegger que s’approprient ou réinventent Kafka, Benjamin, Arendt), une troisième modernité se cherche,  celle de l’humanisme analytique. D’inspiration freudienne, elle peut ouvrir toutes les traditions religieuses du monde globalisé à l’expérience de la pensée.

5.        Chinois et Européens : Universel ou Multivers ?

            La rencontre des cultures est certainement l’autre défi essentiel auquel nous confronte  l’actualité de la globalisation. Par exemple, aujourd’hui dans le monde arabe, l’information affanchie par Internet a puissamment contribué à l’éclosion d’une jeunesse éprise de liberté. Mais celle-ci ne deviendra réalité qu’en s’appuyant sur la mobilisation de la dignité individuelle et de toutes les créativités responsables. La pesanteur des traditions culturelles entrant forcément en conflit avec les promesses et les risques de la liberté que propage l’humanisme aujourd’hui informatisé, le cas du monde arabe et les suites qu'il entraînera constituent un événement et une épreuve majeurs de cet universalisme dans la diversité qui se cherche. Un autre exemple, et des plus significatifs, de rencontre des cultures, est celui de la tradition chinoise avec le monothéisme juif et chrétien.

Contemporain de la mission jésuites en Chine,  Leibniz (1646-1716) considérait avec ces Pères que les Chinois non seulement ne connaissent pas « notre Dieu », mais qu’ils comprennent la matière elle-même comme pourvue d’une sorte d’intelligence, de Loi, « LI », ( ) « substance subtile accompagnée de perception » ; et que cette manière d’être n’opère pas avec notre sens de la « vérité », mais implique que « vie, savoir, autorité en chinois, sont pris anthropopatos ». Etait-il le visionnaire d’un... « humanisme » à la chinoise dont l'énigme nous échappe encore ? Nous n’hésitons pas à stigmatiser, trop  vite, comme une « arrogance »  cette sorte d’ « humanisme chinois » : serait-ce parce qu’il parait   expérience plus à l’aise  dans une adaptation à la logique de l’entreprise et de la connexion, où le Soi se réduit à un point d’impact des infinis replis cosmiques et sociaux (aujourd’hui clairement nationaux, et qui parviennent à l’annuler). En revanche, héritée des monothéismes judéo-chrétien, la permanente déconstruction/construction qui distingue l’humanisme européen dans son aspiration universelle serait-elle un handicap qui risque d’empêcher notre compétitivité entrepreneuriale ? Un vestige du vieux monde, à balayer par ces avancées techniques supposées engendrer « en elles-mêmes » les sujets « pacifiés » et « coopératifs » d’un avenir angélique post-apocalyptique?

 

            Je soutiens, au contraire, qu’en prétendant ignorer les logiques de l’expérience intérieure, on prend le risque de voir l’angoisse de la finitude et l’explosion de la violence contrecarrer à tout instant la connectivité, la coopération et la réparation par homéotechniques de ce monde idéal que nous promet la Nouvelle Alliance dans la complexité. Nous aurons, nous avons déjà besoin des logiques de perlaboration-sublimation-créativité dans le transfert avec autrui, logiques que nous avaient transmises dans un premier temps l’expérience intérieure de la tradition d’avant la sécularisation, puis ses déconstructions sécularisées, au travers de  l’expérience analytique inaugurée par un certain docteur viennois. Le magazine The NewYorker de février dernier rapporte en une dizaine de pages comment des Chinois déprimés et angoissés suivent une psychanalyse via Skype avec des psys qui sont à New York. Tandis que des humanistes athées découvrent à Paris,  toujours dans les profondeurs de l’expérience psychique, que le besoin de croire est non seulement un reliquat de la tradition qui pousse les infirmes à se dépasser, mais surtout une constante anthropologique universelle, indispensable à l’acquisition du langage et à la pensée. Lesquels à leur tour, comme nous l'avons dit plus haut, en développant le désir de savoir, mettront en question les dogmes provisoires et historiquement constitués de ces croyances elles-mêmes.

L’humanité globalisée cherche une rencontre entre, d’une part,  l’adaptabilité chinoise aux intelligences cosmiques et sociales et, de  l’autre, l’interaction politique entre ces complexités psycho-somatiques dont Proust résumait ainsi l’humanisme post-chrétien : : « Les malades se sentent plus près de leur âme » [19] .

  Je n’ai suggéré que quelques variétés de cette humanité qui nous apparaît désormais non plus comme un univers, mais comme ce que j’appellerai un « multivers », métaphore que j’emprunte volontiers, en un temps où l'astrophysique remodèle notre compréhension de l'humain, à la théorie dite des « supercordes » (de la physique quantique qui fait proliférer les univers possibles, et de l’inflation qui les pousse à exister). Une méta-Loi gouverne l’ensemble : il y a une humanité universelle, dont le concept et la pratique sont issus du monothéisme universaliste et de la rupture avec celui-ci; mais la singularité de chacune de ses composantes est d’une telle finesse, que la loi générale revêt des modalités différentes.

  À ce point de notre parcours, l’humanisme ne peut s’épargner, aujourd’hui, d’examiner aussi les raisons qui ont conduit divers mouvements de la pensée contemporaine à stigmatiser la sécularisation.

  Pour n'évoquer qu’un exemple emblématique, je rappellerai  les critiques de Hannah Arendt qui rattache d'emblée la réduction des différences humaines à la généralité du « zoon politikon », devenu « l’Homme » générique dans une compréhension réductrice des « droits de l’homme ». Cependant, si la philosophe a reconnu qu’un certain athéisme avait pu contribuer à la mort de l’éthique, elle a maintenu que le phénomène totalitaire était unique. Elle a également veillé à démarquer son interrogation philosophique de toute position religieuse, renvoyant l’utilisation politique du « divin » au nihilisme pernicieux qu’elle combat : « Ceux qui concluent des événements terribles de notre temps que nous devons retourner en arrière vers la religion pour des raisons politiques me semblent faire preuve d’autant de manque de foi en Dieu que leurs opposants. » [20]

 

    Dans cet esprit, et tandis qu'un vent de liberté aussi impérieux qu’incertain  souffle sur le monde musulman, la réflexion du grand rabbin de Grande-Bretagne m’a révélé un sens de lAkedaqui dépasse, je le cite, le « particularisme étroit », ouvrant la voie à la « dignité dans la différence ». L’Alliance serait un « lien de confiance » qui manifeste le « tendre souci de Dieu », puisqu’elle considère qu’un « lien n’exclut pas d’autres liens » et que, par conséquent, les ennemis traditionnels d'Israël (l’Égypte et l’Assyrie) peuvent être « élus ensemble avec Israël ». L’Alliance ne serait donc pas une résorption des diversités dans l'Unique? Pourrait-elle être...double ? triple ? infinie ?

Je m'interroge : l'Un-Tout (du monothéisme biblique et évangélique) s'est  inversé, extra-verti, retourné dans l'Universel. Le défi que la refondation continue de l'humanisme lance à cet Universel, face aux diversités émergentes, ne conduit-il pas logiquement à l'avènement d'un humanisme  multiversel? Et je conclus : celui-ci ne sera possible qu’à partir et avec NOTRE tradition de l’Universel et ses modifications dont témoignent les crises et les sursauts de l'humanisme.

Merci de recevoir cette réflexion comme une invitation à reprendre le long chemin qui remonte à la préhistoire, traverse les inconscients et se dirige vers l’inconnu. Je voudrais parier qu’une nouvelle étape s’ouvre devant nous, par l’ambition qui nous anime aujourd’hui de rouvrir la mémoire des religions, en puisant dans l’expérience analytique et avec l’apport de tous ceux qui voudront bien se joindre à nous.

Julia Kristeva

20.3.2011

 



[1] « Laisse le parvis qui est hors du Temple, et ne le mesure point parce qu’il est abandonné aux Gentils qui fouleront la ville  sainte quarante deux mois » (le chiffre 42 signifie : tant que dure l’imperfection du monde, jusqu’à l’arrivée du Messie) (est-il dit dans l’Apocalypse de Jean, XI, 2 ; trad.  Bossuet).

[2] « Il a aussi introduit des Grecs dans le Temple et il a profané ce saint lieu », (Actes des Apôtres, 21 :28)

[3] F. W. J. Schelling, Le Monothéisme, Librairie philosophique – J. Vrin, 1992.

[4] Sartre, L'existentialisme est un humanisme, Gallimard, 1996, p. 38.

[5] Ibid., p. 40.

[6] Ibid., p. 74.

[7] Heidegger, Lettre sur l’humanisme, Éditions Montaigne, 1957,  p. 113.

[8] Maurice Blanchot, L’Entretien infini, Gallimard, 1969, p.179.

[9] Heidegger, Lettre sur l’humanisme, Éditions Montaigne, 1957, p. 87.

[10] Blaise Pascal, Pensées,  131.

[11] Cf. Freud, Résultats, idées, problèmes, t. I, PUF, 1984, p.140 :« …et voici notre  libido de nouveau libre pour substituer aux objets perdus des objets si possible tout aussi précieux ou plus précieux », S. Freud, « Éphémère destinée… », RIP, t. I,  p. 236.

[12] Projet d’un Épilogue pour l’édition de 1861 des Fleurs du  Mal,  Bibl. de la Pléiade, p. 192.

[13] Freud, Nouvelles conférences,  p. 239.

[14] Lacan, Encore, Séminaire XX, p.44.

[15] Freud, « Gläubige Erwartung », in Le Traitement psychique, RIP, I, p. 8.

[16] Freud, L’Avenir d’une illusion, PUF, 2004, p. 10.                                                                                                                

 

[17] Charles Baudelaire, Bénédiction. 

[18] Cf. Sloterdijk, Règles pour le parc humain, Fayard/Mille et une nuits, 2004, p. 181.

[19] Proust M., Les Plaisirs et les jours, Pl., 1871, p. 6. Ou encore  Car si on a la sensation d’être entouré de son âme, ce n’est pas comme d’une prison immobile ; plutôt, on est comme emporté avec elle dans un perpétuel élan pour la dépasser, entendant toujours autour de soi cette sonorité identique, qui n’est pas écho du dehors mais retentissement d’une vibration interne », Du côté de chez Swann, Pl II, 1857, p. 85-86.

[20] Cf. Eric Voegelin, « The origin of totalitarianism », in The Review of Politics, University of Notre Dame, Indiana, vol. XV., Réponse d’Hannah Arrendt à E. Voegelin, p. 81.

 

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